La Cour européenne des droits de l’Homme a rendu un arrêt le 22 février 2018 en validant l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 juillet 2012, qui prévoyait qu’un employeur peut consulter librement des fichiers informatiques non identifiés comme étant « privés ».
Dans un arrêt rendu le 22 février 2018, la Cour européenne des droits de l’Homme confirme le principe selon lequel un employeur peut consulter des fichiers d’un salarié dès lors qu’ils ne sont pas identifiés comme personnels ou privés.
Dans les faits, des fichiers consultés par l’employeur, au cours d’une période d’absence d’un cadre de la SNCF, ne comportaient pas l’intitulé « personnel » requis par la jurisprudence pour échapper à la présomption de caractère professionnel, mais uniquement, les dénominations « Rires », « Fred P », « Socrif », ou « Catherine ». En revanche, ils figuraient dans un dossier contenu sur un disque dur nommé par défaut « D:/Données » qui servait aux agents à stoker leurs documents professionnels, mais qui, sur l’ordinateur du salarié, avait été renommé par lui-même « D:/données personnelles ». Donc, le salarié pensait pouvoir conférer un caractère personnel à l’ensemble des données accumulées dans ce disque dur, et en limiter l’accès à l’employeur.
Cependant, ni la cour d’Appel, ni la Cour de cassation avaient admis la position du salarié. En effet, l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation du 4 juillet 2012 n°11-12.502 affirme que « la dénomination donnée au disque dur lui même ne peut conférer un caractère personnel à l’intégralité des données qu’il contient ; la cour d’appel, qui a retenu que la dénomination “D:/données personnelles” du disque dur de l’ordinateur du salarié, ne pouvait lui permettre d’utiliser celui-ci à des fins purement privées et en interdire ainsi l’accès à l’employeur, en a légitimement déduit que les fichiers litigieux, qui n’étaient pas identifiés comme étant « privés » selon les préconisations de la charte informatique, pouvaient être régulièrement ouverts par l’employeur ».
Cette affaire avait été tranchée en application de la jurisprudence selon laquelle les dossiers et fichiers créés à partir de l’ordinateur professionnel et qui n’ont pas été identifiés par le salarié comme étant personnels sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence (Chambre sociale de la Cour de cassation du 18 octobre 2006, n° 04-48.025).
Ainsi, le salarié a saisi la Cour européenne des droits de l’Homme en contestant à nouveau cette consultation de fichiers personnels, en dehors de sa présence, sur le fondement de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, qui dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
En conséquence, la Cour européenne des droits de l’Homme a rejeté les prétentions du salarié. Bien que, les fichiers litigieux aient été ouverts par l’employeur en l’absence du salarié, la Cour a écarté toute violation du droit au respect de la vie privée, garanti par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme, dans la mesure où ces fichiers n’avaient pas été dûment identifiés comme étant « privés » comme le préconisait la charte informatique de l’entreprise. L’employeur était donc en droit de les consulter et de s’en servir à l’appui d’une mesure disciplinaire.
A noter que, cette décision de la Cour européenne des droits de l’Homme paraît implicitement préconiser l’utilisation de l’intitulé « privé », plutôt que celui de « personnel » repris dans la jurisprudence de la Cour de cassation, en raison de ce que, dans cette affaire, la charte informatique interne à la SNCF indiquait spécifiquement que les supports comportant des informations privées devaient être identifiés sous le terme « privé ». Attention, cela ne remet pas en cause, la jurisprudence de la Cour de cassation qui a posé le principe qu’un fichier intitulé « personnel » ne pourra pas être ouvert par l’employeur en dehors de la présence du salarié.
Donc, qu’un fichier soit intitulé « privé » ou « personnel » ne pourra pas être ouvert par l’employeur en dehors de la présence du salarié.
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