L’insertion d’une clause de non-concurrence dans un contrat de travail a pour objet d’empêcher le salarié de concurrencer son ancien employeur. Afin que la clause de non-concurrence soit licite, elle doit respecter certaines conditions. Néanmoins, depuis un arrêt de la Cour de cassation en date du 25 mai 2016, une clause de non-concurrence illicite n’est pas systématiquement préjudiciable au salarié (Cass. soc. 25 mai 2016, n° 14-20578).
En quoi consiste une clause de non-concurrence ?
Lorsque l’employeur insère dans le contrat de travail d’un salarié une clause de non-concurrence, ce dernier ne souhaite pas que le salarié travaille, à la suite de la rupture du contrat, pour l’un de ses concurrents. Par conséquent, lorsque le salarié quitte l’entreprise, il s’interdit d’exercer une activité susceptible de nuire à son ancien employeur. En effet, elle limite la liberté d’un salarié d’exercer une activité équivalente dans l’entreprise d’un concurrent ou à son propre compte. A noter que ladite clause peut être insérée dans le contrat de travail ou être prévue par la convention collective applicable.
La licéité d’une clause de non-concurrence
Afin que la clause de non-concurrence soit licite et applicable, cette dernière doit répondre à des critères cumulatifs qui ont été définis par la jurisprudence. S’il s’avère qu’un seul des critères fait défaut, la clause est nulle et ouvre droit au paiement de dommages et intérêts au profit du salarié. Lesdits critères sont les suivants :
- Légitimité de la clause
La clause de non-concurrence doit être justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise. En effet, ladite clause a pour objet de protéger les intérêts légitimes de l’entreprise. Son instauration suppose que l’entreprise est susceptible de subir un préjudice dans la situation où le salarié viendrait à exercer une activité professionnelle dans l’entreprise d’un concurrent.
- Limitation de la clause
La limitation de la clause s’opère à plusieurs niveaux : dans le temps, dans l’espace et à une activité spécifiquement visée. De manière générale les conventions collectives optent pour une durée de deux ans et une limite spatiale s’étendant à un département ou à une région. La limite spatiale diffère selon l’activité en question et concerne le lieu où le salarié est susceptible de faire concurrence à son ancien employeur. Le caractère abusif de la clause relève du pouvoir souverain des juges du fond.
- Contrepartie de la clause
La contrepartie financière de la clause de non-concurrence ne doit pas être dérisoire, conditionnée, ni minorée en fonction des modalités de rupture du contrat de travail. En effet, dans un arrêt du 9 avril 2015 (Cass. soc. 9 avril 2015, n° 13-25847), la Cour de cassation a sanctionné une clause de non-concurrence prévoyant une contrepartie financière différente selon le mode de rupture du contrat de travail. L’existence d’une contrepartie financière constitue une réelle condition de validité de ladite clause (Cass. soc. 10 juillet 2002, n° 00-45387 et n° 99-43334). En effet, elle est exigible indépendamment des dispositions des conventions collectives.
Lorsqu’une convention collective prévoit le versement de ladite contrepartie financière de manière mensuelle, l’indemnité est versée mois par mois. Par conséquent, le salarié ne peut pas demander le paiement immédiat en capital à la date de la rupture de son contrat de travail (Cass. soc. 16 décembre 2015, n° 14-21890).
Dans certains cas, il s’avère que la contrepartie soit jugée dérisoire. La Cour de cassation a jugé qu’une contrepartie dérisoire équivaut à une absence de contrepartie (Cass. soc. 15 novembre 2006, n° 04-46.721). Face à une contrepartie dérisoire, le juge peut accorder au salarié l’indemnité qu’il estime justifiée (Cass. soc. 16 mai 2012, n° 11-10.760).
- Spécificités de l’emploi
La limite temporelle et la limite spatiale, ainsi que la proportionnalité de la contrepartie, s’apprécient en fonction des spécificités de l’emploi du salarié. La Cour de cassation souhaite sanctionner les clauses interdisant au salarié d’exercer tout emploi dans une entreprise. En effet, la clause doit laisser à ce dernier la possibilité de retrouver un emploi conforme à sa formation, ses compétences et son expérience.
Une clause de non-concurrence illicite non systématiquement préjudiciable au salarié – Revirement de jurisprudence
Dans un arrêt du 12 janvier 2011 (Cass. soc. 12 janvier 2011 n° 08-45280, Gangbazo c/ Sté Group 4 Sécuricor), la Cour de cassation a jugé que la présence d’une clause de non-concurrence nulle dans un contrat de travail cause nécessairement un préjudice au salarié.
Cependant, un arrêt récent en date du 25 mai 2016 (Cass. soc. 25 mai 2016, n° 14-20578), la Cour de cassation a jugé que le défaut de contrepartie financière n’entraînait pas d’indemnisation en l’absence de preuve de préjudice. Ainsi, sauf en rapportant la preuve d’un préjudice, l’absence de contrepartie financière n’entraîne plus de manière automatique une condamnation de l’employeur. Par conséquent, un salarié qui n’a pas subi de préjudice résultant de l’illicéité de la clause ne peut pas obtenir réparation.
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