Clause de non-concurrence : L’apport des dernières jurisprudences 2021

Intégrée au contrat de travail par l’employeur, la clause de non-concurrence a pour principal intérêt de sécuriser l’exercice d’une profession concurrente par le salarié à la rupture de son contrat de travail. Par différents arrêts récents rendus en 2021, la Cour de cassation est venue apporter différentes précisions relatives à cette clause.

 
 
 
 

Une jurisprudence constante relative à l’interdiction d’entrave à la liberté fondamentale

  • Un rappel du principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle

Par un arrêt en date du 8 avril 2021 n° 19-22097, la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé de rappeler le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle.

Pour rappel, l’article L.1121-1 du Code du travail précise que nul ne peut apporter aux droits des personnes ainsi qu’aux libertés individuelles et collectives, de restrictions qui ne seraient être justifiées par la nature de la tâche à effectuer, ni proportionnées au but recherché.

Il est ici nécessaire de rappeler que la clause de non-concurrence permet d’interdire au salarié d’exercer certaines activités professionnelles pouvant potentiellement porter préjudice à son ancien employeur, et ce, à compter de la rupture du contrat de travail.

  • Des conditions de validité inchangées

Les juridictions apportent ainsi une attention particulière au respect des conditions de validité d’une clause de non-concurrence. En effet, ce type de clause a pour principe d’être limité dans le temps mais aussi dans l’espace, en plus d’être rattachée à une activité spécifique et de mettre en place une contrepartie pécuniaire.

Ainsi, une clause de non-concurrence ne pourra pas être considérée comme licite si elle n’est pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise concernée. Ce type de clause doit par ailleurs prendre en compte les spécificités de l’emploi du salarié, en plus de devoir comporter cette obligation pour l’employeur de verser une contrepartie financière au salarié.

Il est ici nécessaire de rappeler que toutes les conditions précitées sont cumulatives.

Après négociation entre les partenaires sociaux, certaines conventions collectives peuvent faire mention des modalités d’application de la clause de non-concurrence.

Nombreuses sont les conventions collectives qui mettent en place l’obligation d’obtenir l’accord du salarié pour mettre un terme à la clause de non-concurrence. En effet, la convention collective Chimie précise que toute clause de non-concurrence pourra être introduite ou supprimée par le biais d’un avenant en cours de contrat, et ce, avec l’accord des deux parties signataires.

Convention collective Chimie

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Quelles sont les nouveautés apportées par la jurisprudence en 2021 ?

  • La preuve de l’envoi de la lettre

La chambre sociale de la Cour de cassation a décidé de rappeler par un arrêt en date 3 février 2021 n° 19-16695, que la preuve de la renonciation à la clause de non-concurrence doit prendre la forme d’une lettre recommandée avec avis de réception. En effet, les juges ont précisé que l’employeur avait la possibilité de renoncer à la clause de non-concurrence à la condition d’avoir informé le salarié par lettre recommandée avec accusé de réception, et ce, au plus tard dans le mois de la notification de la rupture.

En ce sens, la Haute juridiction précise que ce type d’envoi permet de respecter les formes contractuelles prescrites. De ce fait, la date d’envoi de la lettre avec accusé de réception de la fin de la clause de non-concurrence permet d’apporter à l’employeur un moyen de preuve, et donc une force probante. Ainsi, la date de réception de la lettre par le salarié ne l’emporte pas sur la date d’envoi de la lettre.

Il est ici nécessaire de rappeler qu’un e-mail ne peut en aucun cas remplacer l’exigence de l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception par l’employeur, dans le cas où le contrat de travail du salarié préciserait que l’envoi ne doit se faire que par lettre recommandé. En effet, la chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé par un arrêt du 21 octobre 2020 n° 19-18399 qu’il ne peut être suppléé à la formalité de la lettre recommandée par la preuve que le salarié avait eu connaissance qu’il été libéré du respect de sa clause de non-concurrence par e-mail.

En effet, les juges ont estimé que ce courriel permet d’obtenir une simple confirmation pour l’employeur, et non un moyen de preuve, et ce, quand bien même les parties avaient convenu d’un accord à ce sujet.

  • Des précisions quant à la délimitation dans le temps

L’arrêt du 8 avril 2021 n° 19-22097 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation apporte une précision quant à la délimitation dans l’espace de la clause de non-concurrence.

L’arrêt précise qu’une clause de non-concurrence qui se réfère au niveau mondial ou au monde entier ne peut être considérée comme limitée dans l’espace. En effet, un salarié ne doit pas se retrouver dans l’impossibilité d’exercer tout emploi dans sa spécialité dans la mesure où cela constituerait une atteinte excessive à la liberté du travail dû à l’espace géographique d’application de la clause.

Il est par ailleurs nécessaire de préciser qu’une clause de non-concurrence illicite n’est pas forcément systématiquement préjudiciable. En effet, la Cour de cassation a pu estimer à ce sujet que la contrepartie pécuniaire n’entraînait pas d’indemnisation en l’absence de preuves du préjudice du salarié (Cass. soc. 25 mai 2016, n° 14-20578).

  • Des précisions relatives à la transaction faisant suite à un licenciement

Dans un arrêt en date du 17 février 2020 n° 19-20635, les juges du fond avaient décidé que lorsqu’une transaction était rédigée dans des termes très larges, la renonciation du salarié à l’octroie de son indemnité de non-concurrence ne pouvait être admise.

De ce fait, l’employeur ne pouvait être délié du paiement de l’indemnité de non-concurrence, et le salarié n’était pas non plus libéré de l’interdiction de concurrence.

En effet, avant cette dernière jurisprudence, la Cour de cassation considérait que l’employeur ne pouvait avoir dénoué son salarié de son obligation de non-concurrence lorsqu’au sein de la transaction, la contrepartie financière n’entrait pas dans l’objet de celle-ci. En ce sens, dans la mesure où la transaction ne contenait aucune disposition relative à la clause de non-concurrence, les juges ne pouvaient pas considérer cette transaction comme permettant de délier le salarié.

C’est donc par un revirement de jurisprudence capital en date du 17 février 2021 n°19-20635 que la Cour de cassation admet la validité de la transaction lorsque les parties reconnaissent que leurs concessions réciproques étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, dans le but de les remplir de tous leurs droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre elles.

Pour rappel, une transaction est un contrat rédigé entre le salarié et l’employeur permettant de mettre un terme à un litige né ou à naître entre les parties.

Les juges ont ainsi considéré que les obligations réciproques des parties signataires au titre de la clause de non-concurrence étaient prises en compte dans l’objet de la transaction. Cette solution nouvelle a donc permis à l’employeur d’être exonéré du paiement de la contrepartie pécuniaire de cette clause.

 
 

Photo : Pixabay

À propos de l'auteur
Laurie Gomari

Laurie Gomari - Juriste au sein des Éditions Legimedia.

Diplômée d'un Master I en droit social et d'un Master II en GRH Audit social, je suis juriste d'entreprise en droit social au sein des Editions Legimedia. Mes compétences actuelles me permettent de relever différents défis et de répondre aux attentes des clients en matière de règlementation sociale. [...]

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