Convention collective, loi, accord d'entreprise : à quelle source se reporter ?

Les relations de travail entretenues entre les employeurs et leurs salariés sont réglementées par de nombreuses dispositions d’ordre légal, réglementaire ou conventionnel. Ainsi, il devient compliqué pour les salariés et employeurs de déterminer quelle est la source à laquelle il convient de se reporter dans le cadre de thématiques de droit du travail et de droit de la protection sociale.

 
 
 
 

Quel est le rôle de la convention collective ?

Nombreuses sont les questions que se posent les travailleurs du secteur privé en France en ce qui concerne le rôle de la convention collective. En effet, il est fréquent d’observer que ceux-ci se questionnent quant au rôle du texte conventionnel étant donné que le Code du travail s’avère être la principale source légale régissant le monde du travail avec le Code de la sécurité sociale.

C’est donc pour cela qu’il s’avère nécessaire d’éclairer les salariés et employeurs quant à l’utilité du texte en question, ou la détermination de la convention applicable dans l’entreprise.

Pour rappel, une convention collective est régulièrement mise à jour par la parution d’accords ou avenants adoptés dans le cadre de thématiques spécifiques.

  • Quelle place occupe les dispositions conventionnelles par rapport à la loi ?

Bien que les conventions collectives soient adoptées au sein de différentes branches professionnelles afin de régir les relations de travail qui sont entretenues dans le cadre de la sphère privée, il est important de rappeler que le Code du travail demeure la source de référence à laquelle les employeurs et salariés sont tenus de se référer. En effet, même s’il s’avère qu’une convention collective s’applique aux travailleurs d’une entreprise considérée, ceux-ci doivent faire le parallèle entre les dispositions conventionnelles qui composent une CCN, et le Code du travail.

Ainsi, les conventions sont adoptées par les partenaires sociaux en vue :

D’adapter les règles de droit du travail au secteur professionnel auquel la convention collective s’applique ;

De compléter et /ou suppléer le Code du travail en adoptant des normes qui tiennent compte de la fonction du secteur d’activité du salarié ;

D’adopter des dispositions plus favorables que la loi sur certaines thématiques de droit français ;

De rappeler les dispositions légales applicables à certaines thématiques de droit social, telles que la rupture du contrat de travail occasionnant pour la plupart des cas l’accomplissement d’un préavis.

Ainsi par exemple, la convention collective nationale de pharmacie d’officine prévoit une prime de travail en sous-sol, prime qui n’est pas prévue dans le Code du travail. Cette prime s’élève à 10% du salaire minimum que perçoit le salarié qui, durant plus de la moitié de son temps de travail, accomplit son activité professionnelle dans des sous-sols.

Convention collective Pharmacie d’officine n° 3052

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  • Comment connaître la convention collective applicable ?

Pour rappel, les employeurs des entreprises qui relèvent du secteur privé se doivent de mentionner sur le bulletin de salaire de leurs salariés la convention collective à laquelle ils relèvent. La CCN se référencie grâce à un numéro de brochure à 4 chiffres, ainsi que d’un IDCC (identifiant de convention collective).

A titre illustratif, la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants (HCR) se référencie de la manière suivante :

– N° de brochure : 3292 ;

– IDCC : 1979.

Convention collective HCR n° 3292

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Un code APE/NAF ne suffit pas à caractériser la CCN dont relèvent les salariés d’une entreprise, car ce code n’est qu’un indice permettant de faciliter la recherche du texte conventionnel en question.

  • Que faire en cas d’adoption d’un accord d’entreprise sur une thématique commune avec la CCN ?

Il est commun que des accords d’entreprise soient adoptés au sein d’une entreprise sur une thématique en particulier. Les salariés se voient ainsi confrontés à 3 sources : la loi, la convention collective nationale de branche, et l’accord d’entreprise.

Pendant longtemps, le principe à retenir était celui du principe de faveur, en vertu duquel il convenait de prendre en considération la règle qui apparaissait la plus favorable pour le salarié. Or, depuis la parution des « ordonnances Macron » en date du 22 septembre 2017, ce raisonnement n’est plus valable. En effet, désormais il convient de différencier deux situations :

– Selon que l’accord d’entreprise ait été adopté sur des domaines qui ne sont pas réservés à la branche (*) : dans ce contexte-là, il est prévu à l’article L. 2253-3 du Code du travail que « les stipulations de la convention d’entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la convention de branche ou de l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prévalent sur celles ayant le même objet prévues par la convention de branche ou l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large. En l’absence d’accord d’entreprise, la convention de branche ou l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large s’applique »

– Ou selon que l’accord ait été adopté cette fois-ci dans le cadre de domaines réservés à la branche (*) : ceux-ci sont listés à l’article L. 2253-1 (relatif à la primauté dite « impérative » de la CCN) et L. 2253-2 du Code du travail (qui quant à lui est relatif à la primauté dite « facultative » de la convention de branche).

* Le terme « branche » fait référence à la branche professionnelle, soit le rgroupement des entreprises qui relèvent d’un même secteur d’activité, et qui de surcroît, relèvent d’une convention collective.

 

Qui prime entre le code du travail et la convention collective ?

En ce qui concerne le fait de savoir si la convention collective applicable au sein des entreprises prime sur le Code du travail, il convient de souligner que les dispositions légales contenues au sein de ce dernier prépondèrent sur les dispositions conventionnelles, sauf dispositions plus favorables contenues au sein de la CCN dont relèvent les salariés.

Cela consiste ainsi à dire que pour une thématique donnée, il est nécessaire de confronter les règles contenues dans le Code du travail et la convention collective afin d’en tirer les dispositions les plus favorables pour le salarié : il s’agit du principe de faveur (ce principe demeure applicable en ce qui concerne la confrontation de la convention collective avec le Code du travail).

Par exemple, dans le cadre des congés exceptionnels accordés en plus des congés payés, il peut arriver que le Code du travail prévoit un nombre de jours de congés qui est moindre que celui prévu dans la convention, ou inversement. Ainsi, le salarié devra :

– Soit retenir ce que prévoit la convention collective s’il s’avère que le nombre de jours de congés prévus en son sein est supérieur à ceux du Code du travail ;

– Soit retenir ce que prévoit le Code du travail dans le cas inverse.

Par ailleurs, il est à retenir que le Code du travail précise que les durées d’absences prévues par les dispositions conventionnelles ne peuvent être inférieures aux durées présentées à l’article L. 3142-4 du Code du travail.

Des exemples de situations confrontant dispositions légales et dispositions conventionnelles sont présentées ci-dessous :

  • Convention collective nationale des commerces de gros n°3044
Motifs de l’absence Dispositions du Code du travail Dispositions de la CCN 3044 Nombre de jours retenir au final
Mariage du salarié 4 jours 4 jours 4 jours
Mariage d’un enfant 1 jour 2 jours 2 jours
Décès du conjoint, pacsé, concubin notoire 3 jours 3 jours 3 jours
Décès d’un enfant 5 jours 3 jours 5 jours
Décès du père ou de la mère 3 jours 2 jours 3 jours
Décès de beaux-parents 3 jours 2 jours 3 jours
Décès d’un frère ou d’une sœur 3 jours 1 jour 3 jours
Décès d’un beau-frère, d’une belle-sœur ou d’un grand-parent 1 jour 1 jour (*)
Communion solennelle d’un enfant du salarié 1 jour 1 jour (*)
Appel de préparation à la défense nationale 1 jour 1 jour (*)
Déménagement (changement de domicile) 1 jour 1 jour (*)
Naissance, adoption d’un enfant 3 jours 3 jours 3 jours
Survenue d’un handicap chez son enfant 2 jours 2 jours (**)

 

(*)Dans la mesure où seule la convention prévoit l’attribution de jours de congés exceptionnels au titre d’événements familiaux qui ne sont pas prévus au sein du Code du travail, il convient de prendre uniquement en considération les dispositions conventionnelles.

(**)A l’inverse, lorsque le Code du travail est le seul à prévoir des jours de congés pour événements exceptionnels qui ne sont pas prévus dans le cadre de la convention collective applicable aux salariés d’une entreprise, alors il est de principe de se reporter aux seules dispositions légales.

Convention collective Commerce de gros n° 3044

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  • Convention collective nationale SYNTEC n°3018
Motifs de l’absence Dispositions du Code du travail Dispositions de la CCN 3018 Nombre de jours retenir au final
Mariage du salarié 4 jours 4 jours 4 jours
Mariage d’un enfant 1 jour 2 jours 2 jours
Décès du conjoint, pacsé, concubin notoire 3 jours 2 jours (*) 3 jours
Décès d’un enfant 5 jours 2 jours 5 jours
Décès du père ou de la mère 3 jours 2 jours 3 jours
Décès de beaux-parents 3 jours 1 jour 3 jours
Décès d’un frère ou d’une sœur 3 jours 1 jour 3 jours
Naissance ou adoption d’un enfant 3 jours 3 jours
Survenue d’un handicap chez son enfant 2 jours 2 jours

 

(*)La convention SYNTEC de mentionne pas le concubin ou le partenaire avec lequel le salarié est lié par un PACS.

Convention collective Syntec n° 3018

Disponible en PDF, livre ou en abonnement illimité (avec alertes de mises à jour)

Accédez à la CCN 3018

Ainsi au final, les tableaux ci-dessus représentés indiquent la manière à suivre dans le cadre de l’étude des congés accordés au titre des événements familiaux / exceptionnels. Néanmoins, il est possible de recourir à cette méthode en ce qui concerne les autres thématiques présentes à la fois dans la convention collective du salarié, que dans le Code du travail.

 
 

Lire : Qu’est-ce qu’une convention collective ?

 
 

Photo : Pixabay

À propos de l'auteur
Mélanie Mary

Mélanie Mary - Juriste au sein des Editions Legimedia.

Diplômée d'un Master II Droit social - Droit de la protection sociale, j’ai intégré les Éditions Legimedia en tant que juriste en Droit social. [...]

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