Le harcèlement sexuel et l'obligation de sécurité

Le 18 janvier 2023, la chambre sociale de la cour de cassation a rendu un arrêt concernant l’obligation de sécurité de l’employeur  vis-à-vis de ses salariés dans des faits de harcèlement sexuel.

 Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation qui remplace désormais l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur par une obligation de sécurité de moyen.

Qu’est ce que l’harcèlement sexuel et comment le distinguer de l’agissement sexiste au travail ?

La définition du harcèlement sexuel : un délit puni par la loi

Le harcèlement sexuel constitue un délit qui relève du Code pénal et est prohibé par le Code du travail.

Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui (1) :

  •  portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant
  •  créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Par exemple, le fait de raconter, de façon répétée  des blagues obscènes, ou partager des anecdotes sexuelles constitue un comportement à connotation sexuelle qui caractérise un harcèlement sexuel. 

Le harcèlement sexuel est à distinguer de l’ agissement sexiste et de l’outrage sexiste

En effet, l’agissement sexiste est défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant humiliant ou offensant (2).

Les sanctions et peines prévues 

Les auteurs de harcèlement sexuel sont passibles d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. L’employeur peut ajouter à cette peine des sanctions disciplinaires. En effet, un salarié accusé de harcèlement sexuel peut se voir licencier pour faute grave.

Tout comportement à connotation sexuelle peut donc faire l’objet de sanction.

Ces peines peuvent être portées jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende : c’est le cas notamment de l’abus de pouvoir hiérarchique qui constitue une circonstance aggravante du harcèlement sexuel.

La victime de harcèlement sexuel peut porter plainte contre son harceleur en s’adressant aux forces de l’ordre ou alors en écrivant directement au procureur de la république. 

 

Qu’est-ce qui est considéré comme du harcèlement ?

Le code du travail donne des précisions sur les comportements qui constituent des faits de harcèlement sexuel (3) : 

  • Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
  • Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.
  • Toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

Il n’est pas nécessaire que l’auteur ait réellement l’intention d’obtenir un acte sexuel, ou de réaliser des violences sexuelles

L’acte sexuel peut par ailleurs, être au profit d’une autre personne que celle qui en est l’auteur.

Le harcèlement sexuel est à distinguer d’autres types d’infractions comme l’agression sexuelle ou encore le harcèlement moral

Exemple de harcèlement sexuel en entreprise

  • Partager des images ou des vidéos sexuellement inappropriées avec des collègues de travail par exemple constitue des faits de harcèlement sexuel.
  • Envoyer des mails suggestifs à un ou une collègue constitue des faits de harcèlement sexuel.

 

Quel est le rôle de l’employeur? 

Les obligations de l’employeur en matière de prévention du harcèlement sexuel

L’obligation d’information

L’employeur est l’acteur majeur de la prévention du harcèlement sexuel dans son entreprise au vu des différentes obligations spécifiques qui pèsent sur lui.  Il a un rôle central dans la lutte contre le harcèlement au sein de son entreprise.

En ce sens , il est tout d’abord chargé d’informer ses salariés sur la thématique du harcèlement sexuel.

L’obligation d’information de l’employeur consiste à : 

  • afficher l’article 222-33 du code pénal qui donne la définition du harcèlement sexuel et les sanctions encourues sur les lieux de travail;
  • afficher les actions civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel;
  • mentionner dans le règlement intérieur de l’entreprise les dispositions relatives aux harcèlement moral et sexuel et aux agissements sexistes prévues par le code du travail (4) ;
  • afficher les coordonnées des autorités et services compétents en matière de harcèlement sexuel à savoir,  le médecin du travail ou service de santé au travail, l’inspection du travail, le Défenseur des droits, les différents référents prévus par le code du travail (5) si l’entreprise comptabilise plus de 250 salariés et lorsqu’un comité social et économique existe (6);
  • élaborer une procédure interne de signalement et de traitement du harcèlement sexuel.

À titre informatif , les représentants du personnel peuvent mener des actions de lutte contre les faits et agissements de harcèlement sexuel.

L’obligation de prévention 

L’employeur doit, au vu de son obligation de prévention prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (7).

Par conséquent, il doit évaluer les risques de harcèlement sexuel et d’agissement sexiste au préalable dans son document unique d’évaluation des risques.

Il a notamment le devoir de sensibiliser ses salariés en leur permettant d’être à même d’identifier les situations qui caractérisent un harcèlement sexuel ou un agissement sexiste. Cette sensibilisation peut se faire sous diverses formes, par exemple des mails d’information, des affichages dans les locaux, des réunions d’échange sur le sujet etc.

 

La réponse de l’employeur face au harcèlement sexuel

Face à des accusations de harcèlement sexuel , l’employeur doit mener une enquête.

Il doit également déclencher une procédure disciplinaire dans un délai de 2 mois pour sanctionner l’auteur des faits de harcèlement. Ce délai s’apprécie à compter de la connaissance par l’employeur des faits de harcèlement.

Si l’employeur ne réagit pas il peut voir sa responsabilité engagée par la suite.  

Ainsi, en cas d’accusation de harcèlement sexuel, les juges vont vérifier si l’employeur a bien pris toutes les dispositions nécessaires de prévention en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel (8). 

S’il est constaté une situation de harcèlement sexuel, l’employeur doit la faire cesser , la sanctionner et tout mettre en œuvre pour éviter qu’il y ait de nouvelles victimes de harcèlement sexuel au sein de son entreprise.

 

La preuve du respect de l’obligation de sécurité

L’employeur peut être condamné à verser des dommages intérêts sauf s’il peut prouver la mise en œuvre d’action de prévention.

En effet, l’employeur devra exposer les mesures qu’il a pris en ce sens mais aussi, prouver qu’il a fait cesser au plus vite tout risque de situation mettant en danger la santé du salarié.

Il appartient au juge d’évaluer la qualité des mesures de prévention adoptées par l’employeur.

La responsabilité de l’employeur n’est plus systématiquement engagée et ce même si le harcèlement est avéré.

À l’inverse, l’employeur peut être condamné à payer des dommages et intérêts sur le fondement du manquement à son obligation de sécurité et ce même si le harcèlement sexuel n’est pas reconnu par les juges .

     

    Quel est l’apport de la jurisprudence ?

    Dans un arrêt récent de la cour de cassation du 18 janvier 2023 n° 21-23.796,  les juges ont précisé une nouvelle fois l’étendue de l’obligation de sécurité de l’employeur dans des faits de harcèlement sexuel.

    En l’espèce, une salariée victime de harcèlement sexuel a saisit le Conseil de Prud’homme d’une demande en paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

    Dans un premier temps, le conseil de prud’hommes a débouté la salariée de sa demande. Cependant, la cour d’appel a décidé de faire droit à la demande de la salariée et donc de condamner l’employeur au versement de sommes à titre de dommages et intérêts pour avoir manqué à son obligation de sécurité.

    La chambre sociale de la cour de cassation a finalement cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel en lui reprochant de ne pas avoir examiné les motifs des juges de première instance qui avait retenu que l’employeur avait bien effectué tout ce qui était en son pouvoir pour respecter son obligation de sécurité en :

    • cessant de faire circuler dans la même voiture la salariée et son collègue dès sa mise au courant;
    • informant l’inspection du travail.

    En apportant cette solution, les juges de la cour de cassation viennent admettre que l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures pour mettre un terme à une situation de harcèlement sexuel ne méconnait pas son obligation de sécurité s’il apporte la preuve d’avoir pris toutes les mesures qui étaient en son pouvoir pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

    Ainsi, même si la situation à conduit à la dégradation de l’état de santé de la salariée, l’employeur ne peut pas être condamné à verser des dommages et intérêts dans la mesure ou il a fait tout son possible pour faire cesser cette situation.

     

    Sources:

    (1) Article L. 222-33 du code pénal

    (2) Article L. 1142-2-1 du code du travail

    (3) Article L. 1153-1 du code du travail

    (4) Article L. 1321-2 du code du travail

    (5) Article L1153-5-1 du code du travail

    (6) Article L2314-1 du code du travail

    (7) Article L4121-1 du code du travail

    (8) Article L1153-5 du code du travail

     
     

    Photo : Pixabay

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