Les affaires concernant les lanceurs d’alerte de plusieurs grandes entreprises ont fait la une des journaux ces dernières années.
Le géant Facebook avec l’affaire des « Facebook Papers », le cas du Médiator et des laboratoires, l’affaire LuxeLeaks sur l’évasion fiscale : Toutes ces affaires ont posé plusieurs questions quant au rôle incontournable et à la protection des lanceurs d’alerte.
Comment ces lanceurs d’alerte sont-ils protégés des représailles après divulgation d’une vérité que certains auraient préférés enfouie ?
Sommaire
Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ?
Dès lors qu’un salarié constate au sein d’une entreprise un risque grave pour l’environnement ou la santé publique, celui-ci doit avertir son employeur.
Cette alerte devra obligatoirement être déposée par écrit au sein d’un registre spécial.
Dans une telle situation, le salarié qui respecte la procédure d’alerte bénéficie alors d’une protection particulière.
Il est nécessaire de préciser que le lanceur d’alerte a aussi la possibilité d’adresser un signalement au Défenseur des droits.
La définition actuellement donnée par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, est la suivante :
« Un lanceur d’alerte est une personne physique qu révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. »
A partir du 1er septembre 2022, la définition de base du lanceur d’alerte évolue. En effet, cette loi précise dorénavant qu’un lanceur d’alerte est :
« une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation international pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. »
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Quelles sont les informations ne pouvant pas faire l’objet d’une alerte ?
La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 apporte une précision quant aux informations ne pouvant pas faire l’objet d’un signalement.
En effet, sont exclus du régime de l’alerte, les faits, les documents ou informations quel que soit leur support ou leur forme, dès lors qu’ils sont couverts par le secret médical, le secret de la défense national, ou encore le secret relevant des relations entre un client et son avocat.
Quelle procédure le lanceur d’alerte doit-il respecter ?
Lorsqu’un salarié souhaite adresser un signalement, celui-ci doit s’assurer que son entreprise ne prévoit pas déjà une procédure particulière de signalement.
Cette procédure est notamment obligatoire pour les grands organismes employeurs.
Dans tous les cas, l’envoi du signalement par le biais d’un système de double enveloppe recommandé par le Défenseur des droits est judicieux.
- Lanceur d’alerte non membre du CSE
Le salarié qui souhaite signaler un risque grave pour la santé publique ou pour l’environnement au sein de l’entreprise doit tout d’abord avertir son employeur par écrit avec accusé de réception, à défaut son supérieur hiérarchique direct ou indirect, ou un référent ayant été désigné par l’employeur.
En l’absence de réponse dans un délai raisonnable, le salarié pourra relancer son employeur dans les mêmes forme en respectant une seconde fois les règles de confidentialité.
Il peut arriver que l’employeur et le salarié soient en opposition quant au bien-fondé de l’alerte ayant été transmise par le salarié.
Dans cette hypothèse, le salarié devra adresser son signalement auprès de l’autorité judiciaire, à savoir le Procureur, ou auprès de l’autorité administrative, à savoir le Préfet. Le signalement pourra aussi être réalisé auprès des deux interlocuteurs simultanément ou alternativement.
Dans l’hypothèse où aucune réponse n’aurait été donnée par les autorités compétentes durant les 3 mois suivants, le salarié a la possibilité de rendre ces informations publiques.
Il sera ici question de divulguer ces informations auprès des journalistes par exemple.
- Lanceur d’alerte membre du CSE
Dans l’hypothèse d’un salarié membre du CSE souhaitant lancer une alerte, celui-ci doit inscrire l’alerte sur un registre spécial, puis l’employeur doit examiner la situation avec le représentant du CSE. L’alerte devra être datée et signée au sein du registre.
L’employeur devra aussi informer le représentant du personnel des suites qu’il envisage quant à cette alerte.
- L’alerte concerne des produits ou procédés de fabrication de l’employeur
Dans le cas où un salarié souhaite alerter sur des produits ou des procédés de fabrication de l’employeur présentant des risques pour la santé et l’environnement, l’alerte devra respecter la même procédure précitée aux sous-titres précédents.
Toutefois, en cas de désaccord sur le signalement ou en l’absence de réponse dans un délai d’un mois, le salarié devra saisir les autorités compétentes.
Comment agir en cas d’urgence justifiant l’absence de saisine de l’organisme en cause ?
La loi prévoit des cas d’urgence où la saisine de l’organisme en cause ne sera plus rendue nécessaire.
Ainsi, dans une situation de danger grave et imminent, ou en cas de risques de dommages irréversibles, le lanceur d’alerte a la possibilité de porter directement son signalement auprès de l’autorité judiciaire ou de l’autorité administrative.
Il s’agit ici d’une mesure utilisée en cas l’impossibilité de pouvoir agir autrement pour mettre fin au risque.
Dans l’hypothèse d’une gravité particulière, telle qu’un péril imminent, le lanceur d’alerte a la possibilité de rendre son signalement public.
Il est toutefois nécessaire de rappeler qu’il s’agit ici d’un dispositif exceptionnel et qu’il ne peut être utilisé que s’il est reconnu qu’il s’agissait bien d’une situation d’urgence incontestable.
Dans ce cas seulement, le lanceur d’alerte pourra être reconnu irresponsable pénalement.
Enfin, le régime d’irresponsabilité pénal dont bénéficie ici le salarié doit concerner la divulgation d’informations nécessairement proportionnées à la sauvegarde des intérêts en cause.
Quelle aides sont mises en place pour les lanceurs d’alerte ?
En juillet 2017, le Défenseur des droits met en place un guide intitulé « Orientation et protection des lanceurs d’alerte ».
Ce guide de 30 pages regroupés en 9 fiches s’adresse aux personnes ayant pour volonté de signaler des faits dont elles ont eu personnellement connaissance (*).
Véritable guide d’orientation, il permet au lanceur d’alerte de respecter la procédure mise en place à cet effet.
Ainsi, le suivi de cette procédure permet au lanceur d’alerte de bénéficier du régime de protection.
(*) Notion supprimée à compter du 1er septembre 2022
Qu’est-ce qui change au 1er septembre 2022 pour les lanceurs d’alerte
Cette nouvelle loi approuvée par le Conseil constitutionnel le 17 mars 2022 et promulguée le 21 mars 2022, entrera en vigueur dès le 1er septembre 2022.
Cette loi permet notamment de transposer la directive européenne en date du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.
- 1er point : Une définition plus large du lanceur d’alerte
Comme précisé au sein du premier titre, la loi nouvellement promulguée permet l’utilisation d’une définition bien plus large du lanceur d’alerte.
Avant cette loi, le lanceur d’alerte devait avant tout agir « de manière désintéressée ». Cette notion est dorénavant remplacée par l’« absence de contrepartie financière ».
- 2nd point : Des faits ayant été portés à sa connaissance considérés comme recevables
Le lanceur d’alerte ne doit plus avoir personnellement connaissance des faits qu’il signalait.
Avec la suppression de cette mention, le lanceur d’alerte détiendra la possibilité de signaler des faits qui lui auront été rapportés.
- 3ème point : La notion de « violation grave et manifeste » supprimée
Le salarié n’aura plus à prouver qu’il y a eu violation d’une règle considérée comme grave et manifeste.
Ainsi, des informations portant sur un crime ou encore un délit seront considérées comme recevables.
- 4ème point : Une protection renforcée pour l’entourage du lanceur d’alerte
Le principe est tel que le lanceur d’alerte ne peut subir de mesures de représailles dans l’exercice de ses fonctions, et dans tous autres domaines que celui professionnel.
Si tel est le cas, le lanceur d’alerte bénéficie d’un aménagement des règles de la preuve.
La directive européenne du 23 octobre 2019 étend la protection accordée aux lanceurs d’alerte aux personnes qui sont en lien avec eux.
Cela sera notamment le cas de leurs collègues ou de leurs proches, ou encore des facilitateurs ayant aidé au signalement.
- 5ème point : Une procédure de signalement simplifiée
Le lanceur d’alerte pourra dorénavant choisir entre un signalement interne et un signalement externe à l’autorité compétente, au Défenseur des droits qui l’oriente vers la ou les autorités les mieux à même d’en connaître, à l’autorité judiciaire, ou encore à un organe européen.
- 6ème point : Un renforcement de la protection des lanceurs d’alerte
– La liste des représailles est complétée (interdiction de mise sur liste noire, annulation d’une licence ou d’un permis, atteinte à la réputation de la personne, intimidation…) ;
– Mise en place de mesures de soutien psychologique à destination des personnes ayant adressé un signalement, que les autorités externes aient été saisies directement ou par le biais du Défenseur des droits ;
– Secours financier temporaire accordé à ces personnes si elles estiment que leur situation financière s’est gravement dégradée en raison dudit signalement.
À lire : Quelle est la protection des salariés lanceurs d’alerte ?
Photo : Pixabay