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Par un arrêt du 3 juin 2020 (n°18-2199), la Cour de cassation a renforcé une nouvelle fois la protection du travailleur handicapé en considérant que le défaut de reclassement d’un salarié handicapé licenciement pour inaptitude, constitue un licenciement discriminatoire. Le Code du travail prévoit des dispositions spécifiques à l’égard du travailleur handicapé, c’est la raison pour laquelle en cas de manquement par l’employeur à l’une des obligations prévues en cas de licenciement d’une personne souffrant d’un handicap, celui-ci sera réputé nul.

 
 
 
 
 
 
 

En quoi consiste l’obligation de reclassement en matière d’inaptitude au travail ?

Lorsqu’un salarié a été déclaré inapte par un médecin du travail il doit se voir reclasser, et en cas d’impossibilité du reclassement il peut être licencié par l’employeur.

Le reclassement obéit à certaines conditions. L’employeur est dans l’obligation selon les articles L.1226-2 et L.1226-10 du Code du travail de rechercher dans le délai d’un mois à compter de l’examen médical, un emploi approprié aux capacités du salarié et similaire à l’emploi précédent.

L’employeur doit également proposer un poste qu’il a recherché dans l’entreprise, ou le cas échéant, dans le groupe de sociétés auquel l’employeur appartient. Mais surtout l’employeur doit exécuter son obligation de reclassement de manière sérieuse et loyale.

C’est la raison pour laquelle en 2017 la Cour de cassation avait considéré que constituait pour l’employeur une preuve insuffisante de recherche effective pour un reclassement, le simple fait de contacter le service chargé de prévenir la perte d’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH).

 

L’employeur peut-il licencier en cas d’impossibilité de reclassement à la suite d’une inaptitude du salarié handicapé ?

Depuis la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, l’employeur peut désormais mettre fin au contrat de travail de son salarié qui a été déclaré inapte par le médecin du travail.

Les articles L.1226-2 à L.1226-5 du Code du travail visent :

– Le salarié que le médecin a déclaré comme étant inapte à la fin d’une période de suspension du contrat de travail causé par une maladie ou un accident non professionnel ;

– Le salarié dont le contrat de travail a été suspendu à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (articles L.1226-6 à L.1226-22 du Code du travail) .

L’employeur a ainsi la possibilité de rompre le contrat de travail dans 3 situations :

– Premièrement, lorsqu’il se retrouve face à une impossibilité de reclasser le salarié selon les conditions prévues par l’article L.1226-2 du Code du travail ;

– Deuxièmement lorsque le salarié refuse l’emploi proposé. Mais aussi, lorsque le médecin du travail mentionne expressément que le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à son état de santé ;

– Enfin, dans le cas où la santé du salarié ferait obstacle à tous les postes susceptibles d’être proposés par l’employeur, communément appelé « inaptitude à tout poste ».

C’est donc seulement quand l’une de ces situations se présente que le licenciement pour inaptitude peut être prononcé.

Le licenciement est très encadré par le droit en vigueur afin d’assurer une certaine sécurité de l’emploi aux salariés. C’est en ce sens que certaines mesures doivent être prises par les employeurs au sein de leur entreprise, telles que la communication d’informations par le moyen de panneaux d’affichage.

 
Panneau d’affichage des textes d’égalité de rémunération
 

Le licenciement pour inaptitude est permis. Néanmoins l’employeur doit prouver l’impossibilité de reclassement, ou a contrario démontrer qu’il a bien effectué une recherche réelle, sérieuse et suffisante d’un reclassement comme l’avait rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 7 juillet 2004 n°02-47686.

En cas de manquement à l’obligation de reclassement par l’employeur, les juges seront amenés à prononcer la nullité du licenciement sur le fondement de l’une des conditions de nullité d’un licenciement prévues dans le Code du travail.

 

Qu’est ce que l’obligation spécifique d’adaptation du poste du travailleur handicapé ?

Les travailleurs handicapés rencontrent d’importantes difficultés dans leur recherche d’emploi, c’est la raison pour laquelle le législateur tend de plus en plus à renforcer la protection qui les entoure. C’est en ce sens que l’article L.5213-6 du Code du travail garantit le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés en prévoyant des dispositions à l’égard des employeurs en vue de préserver, et favoriser l’accès à l’emploi pour les salariés handicapés.

Pour s’assurer du respect de l’égalité de traitement entre les salariés, les conventions collectives prévoient des dispositions en la matière. Comme la convention collective SYNTEC avec une égalité salariale entre hommes et femmes. En effet, l’article 4 de cette convention indique que dès lors que les salariés occupent un même emploi ou à valeur égale, une égalité de rémunération doit être appliquée.

 

CCN Syntec

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La jurisprudence suit la position du législateur comme peut en témoigner l’arrêt du 3 juin 2020 (n°18-21993). Cette affaire concernait un travailleur handicapé déclaré inapte qui a été licencié pour inaptitude et dont le reclassement était impossible. Il soutenait qu’il s’agissait d’un licenciement discriminatoire dans la mesure où l’employeur aurait manqué à son obligation de reclassement au sein du groupe . L’employeur lui contestait le caractère discriminatoire du licenciement qui lui était reproché dans le sens où s’il n’avait pas exécuté correctement son obligation, la seule conséquence aurait été de priver le salarié d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel dans cette affaire avait estimé que le licenciement avait fait du salarié une victime de la discrimination en raison de son état de santé. La Cour de cassation a confirmé la décision des juges du fond en décidant que l’absence par l’employeur de consultation du service chargé de la perte d’emploi des travailleurs handicapés, au titre du licenciement du salarié alors que le salarié en avait sollicité la saisine, suffit à justifier le caractère discriminatoire du licenciement.

Les travailleurs handicapés rencontrent d’importantes difficultés tant dans leur recherche d’emploi que dans la conservation de celui-ci. C’est dans ce contexte que les partenaires sociaux, progressivement, tentent de protéger les salariés de la discrimination, notamment ceux souffrant d’un handicap. A titre d’exemple, la convention collective production audiovisuelle affirme à son article 11.2, le principe de non-discrimination dans son ensemble, que ce soit en fonction du sexe, des origines, de l’âge ou du handicap.

 

CCN Production audiovisuelle

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Les juges ne se sont pas fondés sur l’obligation de reclassement de l’employeur prévue aux articles L.1226-2 et L.1132-1 du Code du travail pour conclure à un licenciement discriminatoire, mais sur la mesure spécifique prévue à l’article L.5213-6 du Code du travail qui permet à un travailleur handicapé de conserver son emploi en prévoyant pour l’employeur certaines diligences qu’il est tenu d’exécuter. Or, la saisine de la SAMETH constituait bien une mesure permettant au salarié de conserver son emploi et son absence s’apprécie par conséquent comme une discrimination conduisant à la nullité du licenciement sur le fondement de l’article L.1132-1 du Code du travail.

 

Quels sont les aménagements de protection de l’emploi du travailleur handicapé ?

Pour une égalité de traitement entre les travailleurs handicapés et les salariés ne souffrant pas d’handicap, des dispositifs sont aménagés afin d’assurer une certaine pérennité dans leur insertion professionnelle .

Cette égalité de traitement se retrouve également dans la convention collective d’exploitation cinématographique qui mentionne une égalité pour les salariés en temps partiel. Cette convention prévoit qu’ils bénéficient d’une égalité de droit avec les autres salariés de l’entreprise.

 

CCN Exploitation cinématographique

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Les entreprises qui comptent au minimum 20 salariés sont tenues d’employer à hauteur au moins de 6% des effectifs de l’entreprise des travailleurs handicapés selon l’article L.5212-2 du Code du travail. Les salariés avec un handicap peuvent également bénéficier de conditions de travail adaptées notamment pour ce qui concerne l’accès au lieu de travail et d’aménagements du temps de travail, comme des aménagements d’horaires pour faciliter l’accompagnement du salarié ainsi que d’éventuels soins médicaux, etc.

Toujours dans le cadre d’une égalité de traitement, les personnes handicapées bénéficient de mesures visant à s’assurer que leurs conditions de travail soient conformes avec leur besoin d’aide. En effet, l’employeur doit vérifier que les logiciels installés sur le poste de travail sont bien à la disposition du salarié et que le poste est accessible en télétravail.

La position de la Haute juridiction s’inscrivant dans une protection des travailleurs handicapés semble se justifier d’une part en raison de la jurisprudence qui maintient son analyse à l’égard des travailleurs handicapés au fil des années en constatant leur vulnérabilité dans le milieu professionnel. Et d’autre part au vu du contexte actuel qui attire le regard sur les difficultés auxquelles sont confrontés quotidiennement les salariés handicapés.

 
 
 

Photo : Pixabay

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