Véritable mesure permettant de limiter le nombre de licenciement des salariés, le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) permet aux entreprises d’au moins 50 salariés de respecter une certaine procédure tout en assurant des mesures de reclassement et d’adaptation.
Il est nécessaire de décrypter le plan de sauvegarde de l’emploi et de comprendre les dernières jurisprudences y faisant référence.
Sommaire
Qu’est-ce qu’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ?
Mis en place par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 relative à la modernisation sociale, le PSE est un dispositif légal codifié au sein de l’article L. 1233-61 du Code du travail.
Cet article précise notamment que « dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre ».
Le Conseil d’Etat a été amené à préciser que le PSE doit comporter des mesures concrètes et précises de nature à prévenir les licenciements, voire les éviter. En effet, cette précision a été apportée par la haute juridiction administrative le 22 juillet 2015 n° 383481.
Le PSE permet donc d’intégrer un plan de reclassement permettant de faciliter le reclassement des salariés dont l’entreprise est située sur le territoire national, et pour qui un licenciement ne pourrait être évité. Ce reclassement est délimité par l’entreprise mais aussi le groupe auquel celle-ci se rattache.
- Qui est directement concerné par le PSE ?
Le PSE peut comporter le transfert d’une ou plusieurs entités économiques dans le but d’éviter la fermeture d’un ou plusieurs établissements. Dans cette hypothèse, lorsque ces entreprises décident d’accepter une offre de reprise, les dispositions relatives au transfert des contrats de travail des salariés précisées au sein de l’article L. 1224-1 du Code du travail ne seront applicables que dans la limite du nombre des emplois qui n’auront pas été supprimés faisant suite à des licenciements, à la date d’effet du transfert.
En effet, l’article précité précise qu’en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur (succession, fusion, vente, transformation du fond, mise en société de l’entreprise), tous les contrats de travail en cours au jour de ladite modification devront subsister entre le personnel de l’entreprise et le repreneur nouvel employeur.
Le PSE concernera donc les salariés dont le poste de travail doit être supprimé ou transformé, ou dont la possible modification du poste de travail a été refusée par le salarié faisant l’objet du licenciement.
En effet, dans la mesure où il s’agit de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail du salarié, celui-ci est en droit de refuser cette modification.
De ce fait, ce licenciement sera admis seulement s’il est basé sur un véritable motif économique de l’entreprise.
- Le PSE peut-il être facultatif ?
Le PSE sera considéré comme facultatif pour les entreprises d’au moins de 50 salariés qui procèdent à moins de 10 licenciements de salariés sur une période de 30 jours.
Le PSE est aussi considéré comme facultatif pour les entreprises de moins de 10 salariés.
Quels sont les motifs du licenciement pour motif économique ?
Il est nécessaire de savoir qu’un licenciement pour motif économique n’est possible que lorsqu’il est basé sur des raisons économiques de l’entreprise. Il est notamment prévu 4 cas où l’ouverture d’un licenciement pour motif économique sera admis, à savoir :
– des difficultés économiques ;
– des mutations technologiques ;
– une réorganisation de l’entreprise ;
– la cessation d’activité ;
– la transformation d’emploi ;
– la modification d’un élément considéré comme essentiel au sein du contrat de travail.
Que contient le plan de sauvegarde de l’emploi ?
Par application des dispositions de l’article L.1233-62 du Code du travail, le PSE doit principalement détenir les points suivants, à savoir :
– des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national ;
– des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités dans le but d’éviter la fermeture du ou des établissements ;
– des créations d’activités nouvelles par l’entreprise ;
– des actions favorisant le reclassement externe à l’entreprise (réactivation du bassin d’emploi) ;
– des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés ;
– des actions de formation, ou encore de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion de façon à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois de nature équivalente ;
– des mesures de réduction ou d’aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires.
Qui doit procéder à l’élaboration du PSE ?
En ce qui concerne l’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi, l’article L. 1233-24-1 du Code du travail prévoit que le PSE peut être rédigé de deux façons différentes, à savoir :
– par accord d’entreprise, après négociation entre les différentes organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au Comité Social et Economique ;
– à défaut d’accord, il sera établi de façon unilatérale par l’employeur, et ce, après consultation du CSE par application des dispositions de l’article L. 1233-24-4 du Code du travail.
Qu’est-ce que l’obligation de reclassement de l’employeur ?
Dans le cadre d’un PSE, l’employeur se trouve dans l’obligation d’envisager le potentiel reclassement de ses salariés avant tout licenciement.
Le reclassement vise principalement les salariés âgés ou ceux détenant des caractéristiques sociales ou des qualifications ne permettant pas une pleine réinsertion professionnelle.
En effet, l’obligation de reclassement repose sur l’obligation de l’employeur à rechercher un poste disponible pour son salarié soumis au licenciement économique.
C’est l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail qui opère une modification des offres de reclassement.
En effet, ces offres doivent être portées à la connaissance des salariés ou adressées directement au salarié par écrit. En somme, l’employeur doit communiquer par tout moyen les offres de reclassement par le biais d’une liste à destination de l’ensemble des salariés. De ce fait, l’obligation d’un écrit n’est plus d’actualité depuis la mise en œuvre de cette ordonnance.
Quelles précisions apporte la jurisprudence 2021 concernant le PSE ?
- Des précisions quant au PSE et au recours pour excès de pouvoir
Par une décision rendue le 14 juin 2021 n° 428459 par le Conseil d’Etat, il a été décidé de fixer l’ordre d’examen des moyens invoqués par les demandeurs au soutien d’un recours pour excès de pouvoir contre une décision d’homologation ou de validation d’un PSE, lorsqu’il sera question d’une entreprise qui n’est pas en situation de liquidation judiciaire ou en redressement.
Dans cet arrêt il était question d’une demande en annulation pour excès de pouvoir de l’homologation du document fixant le contenu d’un PSE d’une société.
Dans cette affaire les juges ont dû se prononcer sur différents moyens, dont celui tiré de l’insuffisance de la motivation de la décision administrative se devant d’être analysée en dernier.
En somme cet arrêt retient que les seuls moyens susceptibles d’être invoqués devant le juge administratif dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir visant la seconde décision sont ceux critiquant ses propres vices.
- Des précisions quant au PSE et à l’annulation de la décision d’homologation ou de validation du PSE
La chambre sociale de la Cour de cassation a aussi décidé le 13 janvier 2021 n° 19-12522 que ne pouvait être considérée de nature à entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique, « l’annulation par la juridiction administrative d’une décision ayant procédé à la validation de l’accord collectif déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi au motif de l’erreur de droit commise par l’administration en validant un accord qui ne revêtait pas le caractère majoritaire requis ».
Dans cette hypothèse, il sera fait application des dispositions de l’article L 1234-9 du Code du travail qui prévoient que l’annulation de la décision de validation ou d’homologation du PSE donne lieu, à condition d’obtenir l’accord des parties, à la réintégration du salarié au sein de l’entreprise.
En cas de réintégration, le salarié bénéficiera du maintien de ses avantages acquis.
Ainsi, ce même article prévoit qu’à défaut de réintégration du salarié, celui-ci bénéficiera d’une indemnité à la charge de l’employeur qui ne pourra être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
Dans le cas d’espèce, faisant l’objet d’un licenciement économique dans le cadre d’un PSE contenu dans un accord d’entreprise, l’un des salariés a décidé de saisir la Cour administrative d’appel qui avait décidé d’annuler la décision rendue par la DIRECCTE ayant validé l’accord majoritaire.
La Cour administrative d’appel se basait sur le fait que l’accord ne revêtait pas le caractère majoritaire nécessaire.
Par suite, les salariés ayant été licenciés pour motif économique dans le cadre de ce PSE ont saisi la juridiction prud’homale dans le but de contester le caractère réel et sérieux de leur licenciement. Ces salariés ont aussi demandé le paiement de sommes à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement, mais aussi le rappel de salaire sur congé de reclassement.
- Des précisions quant au PSE et à la rupture conventionnelle
Des précisions ont aussi été apportées par une décision en date du 6 janvier 2021 n° 19-18549 rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation.
Dans cette affaire, les juges ont retenu la faute de l’employeur qui dissimulait au salarié l’existence (à la date de conclusion de la rupture conventionnelle) d’un PSE en cours de préparation et prévoyant la suppression de son poste. Cela constituait donc un manquement de l’employeur..
De ce fait, la rupture conventionnelle a été considérée comme nulle par application des dispositions du Code du travail relatives au vice du consentement.
Par ailleurs, les juges ont souhaité rappeler que « la nullité d’une convention pour dol ne peut être encourue que lorsqu’au moment de sa conclusion, des informations de nature à influer sur le consentement du contractant lui ont été volontairement dissimulées par son cocontractant ».
Quelles sanctions en cas d’irrégularité du PSE ?
L’importance de la validation ou de l’homologation du PSE réside principalement sur le fait qu’en cas de décision négative par la DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi), les licenciements économiques des salariés seront considérés comme nuls, et ce par application des dispositions de l’article L. 1235-10 du Code du travail.
Dans un premier temps il est nécessaire de savoir que la DIRECCTE à la possibilité, soit de :
– valider l’accord collectif majoritaire, après négociation entre les partenaires sociaux ;
– homologuer le document unilatéral élaboré par l’employeur.
Dans ces deux hypothèses, la DIRECCTE a la possibilité d’invalider le PSE.
En effet, lorsqu’il sera question d’un PSE mis en œuvre par un accord collectif, la DIRECCTE disposera d’un délai de 15 jours pour le valider. Ce délai sera porté à 21 jours en cas d’homologation du document unilatéral.
- L’importance d’une décision suffisament motivée de la DIRECCTE
Il est toutefois nécessaire de préciser que la DIRECCTE doit suffisamment motiver sa décision d’homologation ou a contrario de refus d’homologation ou de validation.
En effet, par une décision rendue le 1er février 2017 n° 391744, le Conseil d’Etat a estimé que la DIRECCTE se doit de motiver en fait et en droit sa décision d’homologation ou non. En cas contraire, un vice de forme impactera cette décision.
Ainsi, cette décision permet de préciser que « la décision expresse par laquelle l’administration homologue un document fixant le contenu d’un PSE doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs ».
A compter de l’homologation ou de la validation du document, l’entreprise sera en droit de procéder aux licenciements.
- Les cas d’irrégularité du PSE
Le PSE sera ainsi considéré comme irrégulier dans les 4 situations suivantes, à savoir :
– décision de refus de la DIRECCTE pour valider le document unilatéral ou homologuer l’accord d’entreprise ;
– absence de consultation du Comité Social et Economique ;
– absence de décision d’homologation ou de validation rendue par la DIRECCTE ;
– absence ou insuffisance du PSE.
Dans l’hypothèse où le juge constaterait que le licenciement est intervenu alors même que la procédure de licenciement est nulle, celui-ci a la possibilité d’ordonner la poursuite des contrats de travail ou alors prononcer la nullité des licenciements.
A titre informatif, dans un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 13 février 1997 n° 95-16648, les juges ont estimé que « le plan présenté (…) ne permettait pas, faute de précisions sur les catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement collectif, de déterminer si les postes offerts étaient de nature à permettre un reclassement efficace et que, au surplus, les mesures de reclassement externe étaient illusoires ».
Les juges ont considéré dans cette affaire que le plan social était nul, et par voie de conséquence les licenciements aussi.
- La possibilité d’une réintégration du salarié
S’il s’avère que le juge prononce la nullité des licenciements, la réintégration du salarié à la demande de ce dernier reste tout à fait possible, excepté si cette réintégration est devenue impossible
Cette réintégration pourra notamment être considérée comme impossible en cas de fermeture de l’entreprise ou de l’établissement ou s’il n’y a aucun emploi de disponible.
A titre informatif, l’article L. 1235-15 du Code du travail prévoit que sera considérée comme irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique mise en œuvre au sein d’une entreprise où le CSE n’a pas été mis en place alors qu’elle aurait dû, et où le procès-verbal de carence n’a pas été rédigé.
Dans cette hypothèse, le salarié bénéficiera d’une indemnité à la charge de l’employeur qui ne pourra être inférieure à 1 mois de salaire brut.
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