Pourboires des salariés : Règles applicables et actualités 2021

Les pourboires constituent une forme de rémunération particulière dans la mesure où les salariés peuvent être rémunérés en totalité ou en partie par ce système.

Mais quelles sont les règles à respecter par l’employeur dans ce cas ? La jurisprudence 2021 apporte par ailleurs plusieurs précisions à ce sujet.

       

Quels salariés peuvent être rémunérés au pourboire ?

  • Salariés concernés

Le Code du travail prévoit que les personnes pouvant prendre part à la répartition des pourboires et les modalités de cette répartition sont en principe déterminés par la convention collective du salarié en question, à défaut, par décret.

Cette disposition est notamment reprise par l’article R. 3244-2 du Code du travail.

Par ailleurs, les salariés concernés par ce système de rémunération sont notamment certains travailleurs entrant dans le champ d’application de la convention collective Hôtellerie – HCR.

A titre d’exemple, cette convention collective fait mention du fait que pour le personnel rémunéré directement au pourboire, la base de calcul de l’indemnité de congé est celle fixée par l’échelle forfaitaire de la sécurité sociale, avec une prise en compte des avantages en nature.

Toutefois, il est nécessaire de préciser que même en l’absence de dispositions conventionnelles, l’employeur se doit de reverser les pourboires aux seuls travailleurs considérés comme habituellement en contact avec une clientèle.

Il est nécessaire de rappeler que la Cour de cassation a précisé la notion de « personnel en contact avec la clientèle ». Cette notion repose sur le fait d’accueillir des clients, de recueillir leur avis et d’essayer de percevoir au mieux leur attentes (Cass ; soc ; 14 novembre 2013 n° 12-16.805).

CCN Hôtellerie – HCR 3292

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Les règles relatives aux pourboires ne régissent pas uniquement le secteur de la convention collective Hôtellerie – HCR. Il reste toutefois le secteur avec un grand nombre de salariés rémunérés au pourboire.

  • Exclusion de certains salariés

Une exclusion est faite par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation.

En effet, il a été décidé qu’un contrat de travail ou un accord collectif ne pouvait déroger au droit à la répartition des pourboires à une catégorie de personnel autre que celle en contact avec la clientèle.

L’employeur ne peut pas non plus participer à ce partage des pourboires (Cass ; soc ; 6 mai 1998, n° 96-40.077).

Cette décision a aussi été réaffirmée dans un arrêt du 14 novembre 2013 n° 12-16.805 précisant que les directeurs régionaux des réseaux de restaurants d’une grande chaine, ne pouvaient pas bénéficier des pourboires intégrés dans le service au même titre que les salariés en contact avec la clientèle.

Cette solution a été justifiée dans la mesure où ces salariés n’étaient pas de manière habituelle en contact avec la clientèle. En effet, ces directeurs avaient pour principale mission l’encadrement ainsi que le contrôle des établissements.

Enfin, à titre d’exemple, la convention collective Spectacle vivant interdit aux agents d’accueil de solliciter un quelconque pourboire de la part de la clientèle.

CCN Spectacle vivant 3372

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Qu’est-ce que la rémunération au service et celle au titre d’une libéralité ?

  • Pourcentage au service (obligatoire)

Ce mode de rémunération a été mis en place par la loi du 19 juillet 1933 dite GODART relative au contrôle et à la répartition des pourboires.

La rémunération au service consiste pour l’employeur à reverser mensuellement les pourboires à ses salariés en contact avec la clientèle, et ce, par application de l’article L. 3244-1 du Code du travail.

En effet, cet article précise qu’au sein d’une entreprise où la pratique du pourboire existe, la totalité des perceptions faites « pour le service » sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement par l’employeur, devront intégralement être versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui l’entreprise avait pour coutume de les remettre directement.

Cette obligation s’applique aux établissements commerciaux où la pratique du pourboire existe.

Dans ce cas l’employeur est tenu d’informer ses clients puisqu’il s’agit d’un pourcentage obligatoire ajouté à la note finale des clients. On parle donc ici de pourboire obligatoire.

Par un arrêt rendu le 16 décembre 2015 n° 14-19.073, la Cour de cassation a estimé que les pourboires s’ajoutent au salaire fixe, sauf dans le cas où un salaire minimum a été garanti par l’employeur.

Dans l’hypothèse où le salaire du travailleur est en dessous du SMIC, l’employeur aura pour obligation de compléter cette rémunération.

Pour rappel, le SMIC actuellement en vigueur s’élève après son augmentation, à 1589,47€ bruts mensuels sur la base de la durée légale du travail étant de 35 heures par semaine.

En finalité, la rémunération au pourboire peut soit venir s’ajouter au salaire de base, soit être un complément de salaire.

  • Pourboire au titre d’une libéralité (facultatif)

Contrairement au pourboire au pourcentage au service qui lui est rendu obligatoire, puisque imposé par l’employeur, le pourboire délibérément décidé par le client conserve le caractère de donation.

On parle aussi de pourboire de main à main.

 

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de pourboires ?

L’article R. 3244-1 du Code du travail précise que l’employeur doit justifier de l’encaissement ainsi que de la remise aux salariés des pourboires.

Ainsi, le mode de répartition lors de la redistribution des pourboires relève de l’usage pratiqué au sein de l’entreprise, à défaut d’une disposition conventionnelle.

Dans l’hypothèse d’une garantie de salaire minimum mensuel et d’un montant de pourboire inférieur à celui-ci, l’employeur devra verser la différence existante entre ce salaire garanti et le montant des pourboires.

Par ailleurs, l’employeur détient aussi la possibilité de centraliser les pourboires, dans cette hypothèse il devra reverser mensuellement ces pourboires.

Dans le cas d’une centralisation des pourboires, l’employeur doit tenir un registre spécial de répartition des pourboires.

 

Que doit mentionner le contrat de travail d’un salarié rémunéré au pourboire ?

En plus des mentions obligatoires prévues au sein d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de travail à durée indéterminée, le contrat de travail d’un salarié rémunéré au pourboire devra obligatoirement faire mention d’une clause au contrat de travail.

Par ailleurs, la seule mention rédigée sur les bulletins de paie sans l’intervention du travailleur ne peut s’y substituer.

Ainsi, dans l’hypothèse d’un salaire fixe, les pourboires viendront s’ajouter au salaire.

Contrat à durée indéterminée (CDI)

 

Que viennent ajouter les dernières jurisprudences 2021 concernant les pourboires ?

Le contrat de travail ou un accord d’entreprise peut préciser que toutes les sommes reversées par l’employeur au titre de la rémunération au pourboire avec un salaire minimum garanti, doivent être calculées sur la base d’une masse à partager pouvant être supérieure à celle ayant été facturée aux clients au titre du service rendu.

En effet, c’est ce qui a été décidé par deux arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation le 13 octobre 2021 n° 19-24.739 et n° 19-24.739.

En somme, ces arrêts permettent d’affirmer qu’un salarié a la possibilité de recevoir plus de pourboires que ce que les clients auront donné.

A cela, la Cour de cassation a estimé qu’un employeur ne pouvait pas calculer la rémunération en retirant le montant du service de son chiffre d’affaires, dans la mesure où le chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise incluait le montant du service compris dans les sommes facturées aux clients de l’entreprise.

Pour rappel, dans cette affaire, un accord d’entreprise précisait qu’un pourcentage de 15 % sera appliqué sur le chiffre d’affaires hors taxes, mais cet accord ne prévoyait pas que la rémunération était calculée sur le chiffre d’affaires hors service.

 

À lire : Rupture du contrat de travail : départ et mise à la retraite du salarié

À lire : Quelle convention collective applicable pour mon entreprise ?

 
 

Photo : Pixabay

À propos de l'auteur
Laurie Gomari

Laurie Gomari - Juriste au sein des Éditions Legimedia.

Diplômée d'un Master I en droit social et d'un Master II en GRH Audit social, je suis juriste d'entreprise en droit social au sein des Editions Legimedia. Mes compétences actuelles me permettent de relever différents défis et de répondre aux attentes des clients en matière de règlementation sociale. [...]

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