Projet de loi : bouleversement de l'abandon de poste

Pendant longtemps la jurisprudence maintenait que la démission du salarié ne pouvait se présumer alors que ce dernier avait fait l'objet d'un abandon de poste. Toutefois, cela à changé au vu de l’adoption de la loi "marché du travail" qui remet en cause le principe applicable en ce qu'il reconnait désormais la présomption de démission en cas d'abandon de poste.

 
 

Un décret est entré en vigueur le 18 avril 2023 (1) et crée un nouvel article dans la loi (2) permettant à l’employeur de faire valoir la présomption de démission en mettant en demeure le salarié de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.

Découvrez notre dossier dédié aux absences injustifiées et à l’abandon de poste

Définition : démission ou abandon de poste ?

Il n'existe pas de définition légale de ce qu'est véritablement l'abandon de poste. Ainsi, c'est par la pratique, et par la jurisprudence qu'il a été possible petit à petit de dresser une définition de ce qu'est l'abandon de poste.

En effet, selon la jurisprudence l'abandon de poste se caractérise par :

  • Une absence injustifiée à son poste de travail d'un salarié de l'entreprise, et ce, pendant un ou plusieurs jours ;
  • Un départ du salarié de son poste de travail, sans qu'il n'ait été prévu, et sans qu'il n'ait été justifié.

Est-ce que l'abandon de poste constitue une faute ?

Jusqu’à présent, lorsqu'un employeur faisait face à un abandon de poste au sein de son entreprise, il se posait la question de savoir comment remédier à la situation, et s'il lui était possible de sanctionner son salarié à ce titre.

Avant l’adoption de la nouvelle loi « marché du travail », l'abandon de poste constituait une faute pouvant justifier un licenciement personnel pour motif disciplinaire. Il s'agissait donc de licencier le salarié selon la procédure de licenciement pour faute.

Découvrez notre dossier dédié au licenciement pour motif personnel

Cependant, les mesures adoptées dans le projet de loi "marché du travail" remettent dorénavant en cause la procédure généralement suivie puisque désormais la présomption de démission est reconnue en cas d'abandon de poste du salarié.

Loi nouvelle 2022 : quelles sont les nouvelles modalités applicables ?

Présomption simple de démission

Désormais (3), un salarié est présumé avoir démissionné de son emploi dès lors qu’il abandonne de façon volontaire son poste de travail, et qu’il ne le reprend pas malgré la mise en demeure envoyée par son employeur.

La présomption de démission qui pèse sur le salarié auteur de l’abandon de poste est une présomption simple. Cela veut donc dire que cette présomption pourra être renversée si le salarié conteste la rupture de son contrat de travail devant le juge.

Pour que la présomption de démission joue, il est nécessaire que dans un premier temps l’employeur ait procédé à l’envoi d’une mise en demeure demandant au salarié de :

  • Justifier de son absence ;
  • Reprendre son emploi dans le délai qu’il a fixé de lui-même.

Mise en œuvre de la présomption de démission

Le nouvel article du Code du travail (2) institué par le décret du 17 avril 2023 prévoit les conditions grâce auxquelles le salarié peut se prévaloir d’un motif qui ferait obstacle à cette présomption de démission à savoir :

  • Des raisons médicales ;
  • L’exercice du droit de retrait ;
  • L’exercice du droit de grève ;
  • Le refus d’exécuter une instruction qui est contraire à la réglementation ou la modification du contrat de travail à l’initiative seul de l’employeur.

Le salarié devra indiquer ce motif dans la réponse de la mise en demeure qui lui a été envoyée.

Cet article fixe à 15 jours le délai minimal qui est accordé au salarié pour reprendre son poste de travail après la notification de la mise en demeure.

Pôle emploi : qu'en est-il de l'indemnité chômage ?

Jusqu'à présent, l'abandon de poste permettait au salarié de bénéficier de l'assurance chômage dans la mesure où ce dernier était licencié par son employeur. En effet, le licenciement permet au salarié de bénéficier du chômage, d'où la raison pour laquelle l'abandon de poste est fréquemment utilisé.

Cependant, en vertu du nouvel article inséré dans le Code du travail le salarié ne pourra plus bénéficier de l'indemnisation assurée par l'assurance chômage du fait qu'il lui sera reconnu dorénavant une démission, dont les effets emportent une impossibilité de bénéficier de l'assurance chômage.

Néanmoins, comme il s’agit désormais d’une présomption simple de démission, il se pose la question de savoir si le salarié parviendra à renverser cette présomption devant le conseil de prud'hommes puisque pour l’heure aucune décision de justice n’a encore été rendue.

Sources :

(1) Décret n°2023-275 du 17 avril 2023 sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire du salarié

(2) Article R. 1237-13 du Code du travail

(3) Article L. 1237-1-1 du Code du travail

 
 

Photo : Freepik

À propos de l'auteur
Mélanie Mary

Mélanie Mary - Juriste au sein des Editions Legimedia.

Diplômée d'un Master II Droit social - Droit de la protection sociale, j’ai intégré les Éditions Legimedia en tant que juriste en Droit social. [...]

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