Depuis les affaires Luxleaks, le scandale des Panama papers ou celui des écoutes de la NSA révélé par Edward Snowden, la figure du lanceur d’alerte est connue du grand public. Pourtant, ces salariés d’une entreprise prennent souvent de grands risques en dénonçant les délits ou les manquements de leur employeur. Quelle est donc la protection des salariés lanceurs d’alertes ?
Qu’est ce qu’un lanceur d’alerte ?
Le Conseil de l’Europe en 2014 définit le lanceur d’alerte comme « toute personne qui fait des signalements ou révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, qu’elle soit dans le secteur public ou le secteur privé ».
La loi française n’offre pas, pour le moment, de définition générale du lanceur d’alerte, mais seulement une définition limitée à la santé publique et à l’environnement : « toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît faire peser un risque grave sur la santé publique ou sur l’environnement » (article 1er de la loi du 16 avril 2013 dite loi Blandin).
Cette définition peut toutefois évoluer puisque l’un des objectifs de la loi Sapin II relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique est de donner une définition plus précise du lanceur d’alerte.
Quelle est la protection des lanceurs d’alerte ?
Il existe cinq lois françaises traitant actuellement des lanceurs d’alerte. Ces lois sont segmentaires et lacunaires : le secteur concerné, le champ concerné, la protection accordée et les personnes ou autorités à alerter peuvent donc différer. Ces lois sont les suivantes :
Cette loi concerne le secteur privé. Elle créée l’article L1161-1 du code du travail selon lequel « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, de faits de corruption dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. »
Cette loi concerne tous les secteurs mais s’intéresse particulièrement aux faits relatifs à la sécurité sanitaire. Elle créée l’article L5312-4-2 du code de la santé publique selon lequel « aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives de faits relatifs à la sécurité sanitaire des produits mentionnés à l’article L. 5311-1 dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions »
Cette loi créée l’article L1351-1 du code de la santé publique qui prévoit qu’« aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives des faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l’environnement dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ».
Cette loi concerne les conflits d’intérêts relatifs aux membres du gouvernement, principaux exécutifs locaux ou personnes chargées d’une mission de service public. Son article 25 prévoit qu’« aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée, licenciée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, à son employeur, à l’autorité chargée de la déontologie au sein de l’organisme, à une association de lutte contre la corruption agréée en application du II de l’article 20 de la présente loi ou de l’article 2-23 du code de procédure pénale ou aux autorités judiciaires ou administratives de faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts, telle que définie à l’article 2 de la présente loi, concernant l’une des personnes mentionnées aux articles 4 et 11, dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ».
Cette loi concerne les délits et crimes. Elle créée l’article L1132-3-3 du code du travail selon lequel « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ».
Malgré leurs différences, ces cinq lois incluent le renversement de la charge de la preuve : il appartient à l’employeur de prouver au-delà de toute doute raisonnable que les représailles ne sont pas la conséquence de l’alerte du salarié.
Le projet de loi Sapin II souhaite créer un cadre de protection des lanceurs d’alerte avec des mesures contre l’entrave ou les représailles. Il prévoit une gradation des canaux de signalement de l’alerte ainsi que des procédures de recueil des signalements dans les entreprises de plus de 50 personnes, les communes de plus de 10 000 habitants et les administrations de l’État.
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