Le mécanisme des heures supplémentaires est très souvent utilisé en entreprise. Encadré notamment par la loi, la cour de cassation est venue récemment apporter des précisions relatives au recours systématique aux heures supplémentaires.
Ainsi, par l’arrêt du 8 septembre 2021, n°19-16908, la cour est venue affirmer que le recours systématique aux heures supplémentaires peut constituer une modification du contrat de travail nécessitant en conséquence l’accord du salarié concerné.
Sommaire
A quoi servent les heures supplémentaires ?
Le mécanisme des heures supplémentaires permet à un salarié de réaliser des heures de travail au-delà de la durée légale de travail de 35 heures par semaine (ou durée équivalente) sur demande de l’employeur.
Ces heures peuvent concerner tout type de salariés à l’exception des cadres dirigeants par exemple ou encore des salariés en forfait annuel en jours.
Ce qu’il faut savoir c’est qu’il est de principe que le salarié est tenu d’accomplir les heures supplémentaires demandées par l’employeur. En effet, la réalisation des heures supplémentaires relève en théorie du pouvoir de direction de l’employeur ce qui abouti au fait que le salarié ne peut pas refuser la demande de l’employeur sans motif légitime sous peine de pouvoir être licencié (Cass., Soc. 26 novembre 2003, n°01-43140).
A titre d’exemple, le salarié peut légitimement refuser d’accomplir des heures supplémentaires s’il n’a pas été prévenu suffisamment tôt (Cass., Soc. 20 mai 1997, n°94-43653). Il doit également veiller à ne pas dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail autorisée par la loi.
De la même façon, il s’avère que les heures supplémentaires sont limitées par ce que l’on appelle le contingent annuel d’heures supplémentaires (article L. 3121-30 du code du travail).
En conséquence, la réalisation des heures supplémentaires n’est pas sans limite. C’est d’ailleurs ce qu’il sera possible de constater avec le récent arrêt du 8 septembre 2021, n°19-16908. Ainsi, quand bien même le mécanisme des heures supplémentaires relève du pouvoir de direction de l’employeur, celui-ci est quand même limité dans son pouvoir.
A titre informatif, la loi n’est pas la seule à prévoir des dispositions relatives aux heures supplémentaires. En effet, de nombreuses conventions collectives viennent restreindre l’utilisation de ce mécanisme de sorte qu’il convient toujours d’analyser à la fois les dispositions légales (donc le code du travail) et les dispositions conventionnelles pour déterminer comment les heures supplémentaires peuvent être appliquées dans une entreprise en particulier.
Pour ne citer qu’un exemple concret, la convention collective SYNTEC référencée par le numéro de brochure 3018 et l’IDCC 1486 vient encadrer strictement le contingent annuel d’heures supplémentaires qu’un salarié peut réaliser.
CCN SYNTEC 3018
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Comment sont calculées et payées les heures supplémentaires ?
Comme il a été possible de le voir précédemment, les heures supplémentaires sont considérées comme telles au-delà de la durée légale du travail (35 heures par semaine, ou équivalent selon la situation spécifique d’un salarié).
Dès lors à compter de la 36ème heure de travail réalisée, et jusqu’à la 43ème heure, le code du travail prévoit le paiement de ces heures majoré de 25%. La majoration de 25% vaut donc pour les 8 premières heures supplémentaires réalisées. Les heures supplémentaires suivantes sont quant à elles, payées et majorées de 50%. En ce sens, il convient de se référer à l’article L. 3121-36 du code du travail.
Toutefois, il convient d’apporter une attention particulier à la contrepartie de la réalisation de ces heures. En effet, leur paiement peut être remplacé par un repos compensateur équivalent à la rémunération majorée (article L. 3121-28 du code du travail).
Enfin, il est à noter que quand bien même le code du travail prévoit le calcul du paiement des heures supplémentaires, il est également prévu que les dispositions légales s’appliquent à défaut de convention ou d’accord collectif d’entreprise ou d’établissement (article L. 3121-33 et suivants du code du travail).
Là encore, il convient donc toujours de comparer les dispositions conventionnelles applicables à un salarié et les dispositions légales pour connaître précisément la rémunération des heures supplémentaires ou le remplacement du paiement par un repos équivalent.
A titre d’exemple, la convention collective commerce de gros référencée par le numéro de brochure 3044 et l’IDCC 573 prévoit des dispositions relatives au repos compensateur équivalent.
CCN COMMERCE DE GROS 3044
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Que se passe t-il en cas de recours systématique aux heures supplémentaires ?
Récemment, la jurisprudence est venue apporter de nouvelles règles à l’utilisation des heures supplémentaires en entreprise.
En effet, la chambre sociale de la cour de cassation a admis, par son arrêt du 8 septembre 2021, n°19-16908 que quand bien même il soit de principe que le salarié soit tenu d’accomplir les heures supplémentaires demandées par son employeur, le recours systématique à ces dites heures peut constituer une modification du contrat de travail du salarié concerné.
Ainsi, dans une telle situation, le salarié peut légitiment refuser d’accomplir les heures supplémentaires.
En effet, la cour a jugé que les heures supplémentaires ne pouvaient pas être utilisées pour augmenter la durée hebdomadaire de travail des salariés.
En l’espèce, l’employeur imposait au salarié d’effectuer chaque jour 50 minutes supplémentaires de travail portant ainsi la durée du travail du salarié à 39 heures au lieu de 35 heures prévues au contrat par semaine.
Le salarié ayant refusé cela a été licencié pour faute grave au motif, selon l’employeur, qu’il ne respectait pas l’horaire collectif de travail.
Or, selon la jurisprudence classique, il n’y a pas de modification du contrat de travail si l’employeur impose au salarié des heures supplémentaires dans la limite du contingent annuel (Cass., Soc. 9 mars 1999, n°96-43718) ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Le recours systématique emporte comme en l’espèce le fait que le salarié travaille toujours plus que ce qui est prévu à son contrat de travail et donc cela modifie dans les faits les conditions essentielles de son contrat de travail, modification emportant en conséquence obligatoirement l’accord exprès du salarié.
Lire : Heures supplémentaires : comment sont-elles prises en compte ?
Photo : Pixabay