Suite à une définition trop large de la notion de période d’astreinte les juges ont dû une nouvelle fois venir se prononcer à son sujet dans une affaire du 12 juillet 2018 (n°17-13029) afin de permettre à un salarié de pouvoir être indemnisé.
Définition du salarié sous astreinte
La période d’astreinte a été définie par l’ancien article L3121-5 du code du travail comme étant une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de rester à son domicile ou à proximité afin de pouvoir intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.
En cas d’intervention, la durée de l’intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
Cette définition est aujourd’hui reprise par l’article L3121-9 du code du travail.
Néanmoins, dans une affaire du 16 mars 2016 (n°14-27971), la cour de cassation avait dû adapter la définition légale de l’astreinte au regard des moyens de communication modernes et de l’usage du téléphone mobile.
En effet, l’astreinte constitue un vide juridique puisqu’elle n’est pas considérée réellement comme un temps de repos ni vraiment comme un temps de travail effectif.
Dans tous les cas, une violation du temps de repos par une disponibilité obligatoire, même numérique peut être considérée comme une astreinte.
A noter que, depuis la loi du 8 août 2016 (loi travail), la définition de l’astreinte vise toutes les permanences effectuées par les salariés à leur domicile ou à l’extérieur.
Ainsi, dans une affaire du 12 juillet 2018 (n°17-13029), les juges ont dû une nouvelle fois venir préciser la notion de période d’astreinte et ont indiqué que le simple fait de devoir garder son téléphone portable allumé en permanence pour pouvoir agir en cas d’appel de l’employeur et ce, même à l’extérieur du domicile, est considéré comme une période d’astreinte.
Organisation des périodes d’astreinte
Le dernier alinéa de l’article L3121-9 du code du travail prévoit que les salariés concernés par des périodes d’astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.
Mais, l’article L3121-12 du code du travail vient préciser que le mode d’organisation des périodes d’astreinte est fixé par l’employeur après avis du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel.
Après cet avis rendu, la programmation des périodes d’astreinte doit être portée à la connaissance des salariés 15 jours à l’avance, sauf en cas de circonstances exceptionnelles et sous réserve qu’ils en soient tout de même informés au moins un jour franc à l’avance.
A noter que la programmation des astreintes doit être communiquée aux salariés par tout moyen conférant une date certaine (R3121-3 C. Trav).
Contrepartie financière du salarié en astreinte
Selon le troisième alinéa de l’article L3121-9 du code du travail, la période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
L’article L3121-12 du code du travail prévoit que la compensation de l’astreinte est fixée par l’employeur mais celle-ci doit être proportionnée à la contrainte occasionnée au salarié. Autrement dit, la contrepartie doit être raisonnable.
Généralement, la contrepartie accordée est financière. Lorsqu’aucune contrepartie n’est accordée, le salarié peut saisir la juridiction prud’homale.
En ce sens, dans l’affaire rendue le 12 juillet 2018 (n°17-13029), la cour de cassation a condamné un employeur, (la société Rentokil) à verser un rappel de prime d’astreinte de 60 000 euros à un directeur d’agence licencié en 2011 et qui a lancé une procédure prud’homale au motif qu’il devait rester joignable par téléphone en permanence pour répondre aux urgences et que cela n’était pas considéré par son employeur comme une période d’astreinte et donc non indemnisé par celui-ci.
En effet, selon l’argumentation de l’employeur, la convention collective à laquelle était soumise le salarié restreignait la période d’astreinte à la permanence téléphonique à domicile. Or, le salarié n’était pas tenu de rester à domicile donc l’employeur ne l’a pas indemnisé.
Néanmoins, depuis la loi El khomri, un véritable droit à la déconnexion a été mis en place pour les salariés.
Ainsi, en reprenant ce nouveau droit et la définition de l’ancien article L3121-5 du code du travail, la cour de cassation n’a pas admis l’argumentation de l’employeur et a considéré qu’à partir du moment où le salarié doit rester obligatoirement et en permanence disponible à l’aide de son téléphone pour répondre à d’éventuels besoins et se tenir prêt à intervenir, l’existence d’une astreinte était caractérisée puisque le salarié n’est pas déconnecté de son travail.
De même, en rendant cette décision, les juges ont décidé d’écarter les règles de la convention collective applicable au salarié au profit du droit commun du travail afin que le salarié soit mieux protégé.
En conclusion, la contrepartie financière de l’astreinte est généralement onéreuse pour l’employeur du fait des contraintes imposées à ses salariés.
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