Temps de pause : qui doit apporter des éléments de preuve en cas de litige ?

Par un arrêt rendu le 14 décembre 2022, la Cour de cassation a décidé d’apporter de nouvelles précisions quant aux temps de pause des salariés. En effet, une mise au point était nécessaire en ce qui concerne ce temps de pause et plus particulièrement sur le fait de savoir à qui incombait la charge de la preuve en cas de conflit à ce sujet. 

Qui du salarié ou de l’employeur doit apporter la preuve de ce qu’il avance lors d’un contentieux concernant ce temps de pause ? 

       

Quelles sont les durées légales du temps de pause ?

Temps de pause légal

Salarié majeur

Le code du travail (1) prévoit que le salarié bénéficie d’un temps de pause minimum de 20 minutes dès lors qu’il effectue a minima 6 heures de travail continu. En effet, avant le temps de pause, le salarié doit être à la disposition de son employeur. Il s’agit là du temps de travail effectif (2) durant lequel le salarié se conforme aux directives de son employeur.  Il s’agit ici d’un temps de pause obligatoire.

Pour donner une définition, un temps de pause est un arrêt court du travail sur le lieu de travail, durant lequel le salarié le salarié doit pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. Pouvoir vaquer à ses occupations personnelles c’est donc pouvoir utiliser son temps comme bon semble au salarié en pause : téléphoner, boire un café, lire, etc.

Dans tous les cas, le salarié ne doit pas être sous la subordination juridique de son employeur. Cela signifie qu’il ne doit pas se retrouver dans l’obligation d’effectuer certaines missions de travail. Par exemple, il ne doit pas être amené à devoir décrocher au téléphone pour la gestion de clients de l’entreprise par exemple.

Pour ce qui est de la prise effective de ce temps de pause, la loi offre deux possibilités :

  • Un temps de pause de 20 minutes avant que ne s’écoule les 6 heures de travail du salarié ;
  • Un temps de pause de 20 minutes après les 6 heures de travail

Salarié mineur

Ces salariés doivent bénéficier d’un temps de pause de 30 minutes après 4h30 de travail. Ils bénéficient donc d’un temps de pause supérieur à ce qui est prévu pour les salariés majeurs, et ce, dans les mêmes conditions que ce qui est prévu pour les salariés majeurs, c’est-à-dire, soit :

  • Après 4h30 de travail effectif ;
  • Avant que ne s’écoule la totalité de ces 4 heures 30.

Ici encore, des dispositions conventionnelles peuvent prévoir des dispositions plus favorables (4) pour ces salariés. Enfin, la prise effective de cette pause doit respecter les autres dispositions applicables aux salariés majeurs.

Temps de pause conventionnelle 

La convention collective d’un salarié peut tout à fait prévoir un temps de pause supérieur à ce que prévoit la loi. Toutefois, ce temps ne pourra en aucun cas être inférieur au temps de pause minimum de 20 minutes prévues par la loi. 

De même, la convention collective applicable au salarié peut prévoir une rémunération de ce temps de pause si ce temps n’est pas considéré comme du temps de travail effectif (temps durant lequel le salarié est à la disposition de son employeur. 

Il est aussi nécessaire de préciser qu’un temps de pause supérieur à 20 minutes peut être accordé au salarié par le biais d’un accord d’entreprise ou d’établissement ainsi que d’un usage. Seul ce temps de pause conventionnel sera donc applicable au salarié.

 

Est-ce que le temps de pause est rémunéré ?

En principe le temps de pause n’est pas rémunéré, excepté s’il se caractérise dans les faits comme du temps de travail effectif. C’est notamment ce que prévoit la loi (3) qui confirme simplement que le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif, dès lors que le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans avoir la possibilité de vaquer librement à ses occupations personnelles. 

 

L’employeur peut-il accorder une certaine tolérance pour les temps de pause ?

Oui. L’employeur peut, s’il le souhaite, accorder une pause plus longue que ce que prévoit la loi, sa convention collective, un accord d’entreprise ou d’établissement.

En principe, dès lors que le salarié prend ces temps de pause de manière raisonnable, il peut en accord avec l’employeur bénéficier d’une certaine tolérance. 

 

Quel temps de pause pour 7 heures de travail ?

Comme rappelé précédemment, un salarié a droit à 20 minutes de pause minimum après 6 heures de travail. Ainsi, dans le cas où le salarié effectue a minima 7 heures de travail, celui-ci devra obligatoirement bénéficier de ses 20 minutes de pause, soit : 

  • Après ses 6 heures de travail ;
  • Avant que ne s’écoule les 6 heures de travail. 

 

Quel temps de pause pour 5 heures de travail ?

Dans l’hypothèse d’un salarié qui effectuerait 5 heures de travail, celui-ci ne peut, en principe, bénéficier d’un temps de pause. En effet, cela se justifie par le fait que le salarié n’aura pas atteint la durée légale de 6 heures minimum de travail pour bénéficier d’une pause. 

Ainsi, sauf disposition conventionnelle plus favorable pour le salarié, ce dernier ne pourra pas bénéficier d’un temps de pause s’il effectue 5 heures de travail. 

 

Quel est l’apport de la jurisprudence concernant le temps de pause ?

Par un arrêt rendu en avril 2021, la Cour de cassation avait déjà été amené à préciser que lorsqu’il était question de conflit sur les temps de pause, il appartenait à l’employeur de prouver :

  • Que le salarié avait effectivement pris sa pause ;
  • Qu’il avait bien permis au salarié de jouir de son temps de pause. 

En décembre 2022, la Cour de cassation a décidé de revenir sur une précision importante concernant la charge de la preuve lorsqu’il est question de temps de pause. 

Les juges ont tout d’abord rappelé que le fait de caractériser pour un salarié la possibilité de pouvoir vaquer à ses occupations personnelles ou non, résulte avant tout de la réalité de ses conditions de travail

Dans cette affaire, il était question d’un conflit entre un employeur et son employeur. Il était ici reproché aux juges d’appel de ne pas avoir examiné correctement le fait de savoir si les salariés étaient réellement libres de pouvoir vaquer librement à leurs occupations. 

En effet, les salariés avançaient le fait qu’un accord d’entreprise ou d’établissement leur était applicable et prévoyait un temps de pause de 1 heures 45 minutes pour les salariés ETAM. Ce temps de pause correspondait à 5% de leur temps de travail dans l’hypothèse d’un salarié à 35 heures.

Toutefois, dans la réalité de leur condition de travail, ils affirmaient qu’ils ne pouvaient pas véritablement vaquer à leurs occupations personnelles en avançant deux arguments, à savoir :

  • 1er argument : il n’avait pas pu bénéficier de ces 1h45 de temps de pause ;
  • 2ème argument : dans les faits, durant leur temps de pause il devait rester à la disposition de leur employeur. 

Seul le 2ème argument a été dans cette affaire retenu par les juges, le 1er ayant été rejeté puisque contesté par différentes preuves apportées par l’employeur.  Ainsi, sur ce 2ème argument, les juges ont estimé que la preuve que le temps de pause a été effectué incombe à l’employeur. De ce fait, il n’appartenait pas aux salariés d’apporter des éléments de preuve pour appuyer leurs demandes.

En définitive, la Cour de cassation a donc décidé de rejeter l’affaire dans la mesure où il appartiendra à l’employeur de prouver le respect des temps de pause des salariés. 

La solution apportée par la Cour de cassation est donc différente des contentieux concernant les heures supplémentaires où il incombe aux deux parties de prouver que ces heures ont été accomplies ou non.

Il n’existe donc pas de régime partagé de la charge de la preuve en ce qui concerne les contentieux liés au temps de pause. La charge de la preuve incombe donc exclusivement à l’employeur.

 
 

Sources :

(1) Article L. 3121-16 du code du travail

(2) Article L. 3121-1 du code du travail 

(3) Article L. 3121-2 du code du travail 

(4) Article L. 3121-16 du code du travail

 
 

Photo : Pixabay

À propos de l'auteur
Laurie Gomari

Laurie Gomari - Juriste au sein des Éditions Legimedia.

Diplômée d'un Master I en droit social et d'un Master II en GRH Audit social, je suis juriste d'entreprise en droit social au sein des Editions Legimedia. Mes compétences actuelles me permettent de relever différents défis et de répondre aux attentes des clients en matière de règlementation sociale. [...]

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